Fédération Nationale Avenir et Qualité de Vie des Personnes Agées
HOSPIMEDIA le 18/09/13
Ironie de l'agenda. Le 9 septembre dernier, l'ONFV rendait son rapport sur la fin de vie en Ehpad. Une semaine plus tard, le 17 septembre 2013, le Salon Âge 3 de Lyon évoquait cette fois la fin de vie de l'Ehpad... tel que nous le connaissons. La rédaction fait le point.
Durée de séjour de moins en moins longue, augmentation du GMP des résidents, dispositifs de géolocalisation... force est de constater que les Ehpad deviennent des établissements de plus en plus lourds. Confrontés de plus en plus souvent "à la pression des familles et des médias", les établissements cherchent à rationaliser le risque, jusqu'à se transformer en espaces normés, organisés autour du soin et de la sécurité. Convaincus que les Ehpad doivent avant tout rester des lieux de vie, les intervenants du Salon Âge3 affirment tous la nécessité d'opérer une mutation de logique actuelle.
Annexe de l'hôpital, prison... Les mots lâchés par les experts sont durs. Ils soulignent pourtant la réalité à en croire Didier Sapy, directeur de la FNAQPA (Fédération nationale avenir et qualité de vie des personnes âgées). Taclant au passage la normalisation et la médication à outrance de ces dernières années, il le répète : "L'attractivité des établissements est primordiale". Mais à l'inverse, les politiques publiques ont amené les Ehpad à être "appréhendés comme des lieux de restriction des droits".
Louis Ploton a élaboré sa propre analyse au regard du phénomène à l'œuvre. Pour le professeur émérite en gérontologie, le développement de la sécurité et des solutions médicales s'explique par l'incapacité à accepter la notion de mort. Dans ce contexte, "la société demande à la gériatrie de repousser l'échéance, les lieux de vie deviennent donc des lieux de soins parce que, au fond, ça rassure tout le monde".
La stratégie est loin de satisfaire Jean-Louis Sanchez, Directeur général de l'Observatoire national de l'action sociale décentralisée (ODAS), qui voit dans les normes, les soins et la sécurité un "obstacle à qualité de vie des résidents". La solution ? Réponse dans la droite ligne de Stéphane Hessel : il faut que les directeurs d'Ehpad se révoltent, qu'ils fassent des choix entre les normes utiles et les normes paralysantes.
Aussi, et alors que la France figure parmi les pays les plus normatifs au monde (selon le classement 2012-2013 du World Economic Forum, avec plus de 400 000 normes), notre pays se place 126ème sur 144 pour coût de 700 millions par an), Didier Sapy souligne le retard pris par la France sur la question de la qualité de vie :
"Les normes ont tendance à tirer vers le bas. Au Danemark, avec une population âgée comparable à la notre, les établissements proposent des chambres de 45m2. Or, la norme de 1999 relative à la taille des chambres en France nous a incité à construire des pièces de 20m2. Bien qu'elle soit "molle", cette norme est, dans la pratique, devenue une norme dure". Dans ce contexte, Didier Sapy évoque "le droit au risque responsable" et exhorte les directeurs d'Ehpad à contourner les normes qui nuiraient aux résidents.
Passer des besoins aux attentes
Alors que l'accent est mis sur le soin et la sécurité, les experts se rejoignent tous sur la nécessité de répondre non plus aux besoins des résidents, mais à leurs attentes.
La première, pour Louis Ploton, est de se sentir intégré. "La logique a voulu que la médicalisation sur-carence toujours un peu plus les besoins psychoaffectifs. Mais plutôt que de répondre par le somatique, à grand coups d'anti-dépresseurs par exemple, il faudrait agir sur la cause réelle du problème : les personnes âgées se sentent isolées, déprimées." Le gériatre en est certain, il faut développer la psychogériatrie.
Au-delà, les professionnels s'attachent à resituer l'Ehpad dans son contexte d'origine : celui de lieu de vie. Alors que le débat public s'était alarmé des droits des résidents, brandissant par ailleurs l'étendard de la liberté d'aller et de venir, les établissements revoient leur stratégie. Objectif : allier sécurité et mobilité. La solution, pour Tobias Britz, CEO de ER Systems, est simple. Il suffit d'utiliser des dispositifs de sécurité invisibles et personnalisables en fonction du degré d'autonomie des résidents. Les personnes âgées évoluent ainsi dans des établissements ouverts et sécurisés, sans avoir pour autant l'impression d'être emprisonné.
Si les expérimentations semblent convenir aux attentes des résidents, reste, pour les directeurs d'Ehpad à faire un dernier choix : entre résident, famille et pouvoir public, quelles sont les attentes à privilégier ? C'est à partir de cette réponse seulement que le virage vers l'Ehpad de demain pourra réellement être amorcé.
Agathe Moret, à Lyon
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