HOSPIMEDIA - La loi Autonomie se résume en 5 mesures phares et un budget très contraint

Published: Wednesday, 04 December 2013 12:47

Le 29 novembre sonnait le départ des concertations sur la phase 1 de la loi Autonomie : le domicile. Le gouvernement a présenté en grande pompe les éléments de travail des deux mois à venir. Et a également suscité les réactions mitigées du secteur. Le point.

 

"Sur le vaste chantier indispensable qu'est le vieillissement, nous devons mettre sur la table des réponses concrètes". Cette phrase, prononcée par Jean-Marc Ayrault le 29 novembre 2013, ne laisse pas la placeau doute : les concertations domicile, première phase du projet de loi Autonomie, s'inscriront dans lemarbre. Devant les quelques 300 acteurs concernés présents au ministère des Affaires sociales, lepremier ministre s'est engagé à tenir un calendrier "exigeant". Les trois groupes de travail (voir ci-contre)missionnés par le gouvernement auront deux mois pour fixer les orientations de ce qui devrait, avec larefondation de l'école, constituer "un grand moment de l'histoire de notre pays".

 

Afin de répondre aux attentes de l'ensemble des professionnels "qui se battent depuis des années pour faire évoluer la prise en charge des personnes âgées", Marisol Touraine, ministre des Affaires sociales etde la Santé, évoque l'obligation de "repenser les politiques de protection sociale" dans un contexte detransformation démographique imminente. Cinq mesures ont été ainsi soulignées par le premier ministre.

 

Dans le cadre de la prévention, ce dernier s'engage, avec le concours des départements, à favoriser l'accès aux aides techniques à domicile, dont "le coût est encore trop élevé en France". Sur le volet adaptation, le chef du gouvernement a également évoqué le soutien à l'offre de logement intermédiaire.

En plus des 80 000 logements déjà destinés à rénovation, le gouvernement compte en effet travailler à la modernisation des foyers logements et des diverses offres d'habitats regroupés. Il s'agira notamment d'engager des moyens pour augmenter la présence humaine sur les bases d'un "forfait autonomie" calculé par les départements en fonction du nombre d'individu. Conscient du poids de la dépendance auprès des familles, les concertations s'attacheront également à soulager les aidants via l'amélioration du congé soutien familial, la formation et l'accompagnement. Ce travail d'accompagnement du grand public passera d'ailleurs par un dispositif d'aide à l'orientation, avec notamment la création d'un portail Internet informatif. Enfin, point d'orgue de l'allocution ministérielle, les concertations porteront sur l'amélioration de l'Apa à domicile, demandée par les fédérations depuis de nombreuses années. Baptisée "acte II de l'Apa", l'ambition se résume à deux mesures : le relèvement du plafond de l'Apa, et l'allègement du reste à charge.

 

Les fédérations ne crient pas encore victoire

 

Si le premier ministre se réjouit de ce grand chantier - "le seul grand acte fait en direction de la dépendance depuis l'instauration de l'Apa par Paulette Gunichard sous le gouvernement Jospin" -, lesfédérations sont quant à elles plus circonspectes. Pourtant priorisé par le gouvernement au détriment desétablissements, le secteur du domicile s'inquiète en effet de voir des propositions alléchantes rabotées parles contraintes financières. Et pour cause, Michèle Delaunay, ministre déléguée aux Personnes âgées et àl'Autonomie concluait son discours sur une note quelque peu dogmatique : contenir l'ensemble desmesures précitées dans l'enveloppe allouée, soit 645 millions d'euros.

 

Le couperet tombe pour Guy Fontaine. Si ce dernier se satisfait des opportunités qu'ouvre le projet de loi pour le domicile, le secrétaire général de la Fnaafp/CSF rappelle que le cadre financier de cette première phase de la loi est "bien loin des besoins identifiés par les rapports précédents pour la mise en œuvre complète de la réforme". Soit 5 milliards d'euros, d'après les estimations du rapport Fragonnard. Même son de cloche du côté d'Adessadomicile, où les conclusions du rapport sont également sur les lèvres. "Les salaires n'ont pas été réévalués depuis 2009, notre secteur est sinistré, lâche Didier Duplan directeur général adjoint. Alors on ne peut pas dire que nous sommes complètement satisfaits des modalités de financement des mesures annoncées."

 

Autre élément portant à discussion pour la Fnaafp/CSF : l'absence totale de lien avec la réforme fiscale lancée par le gouvernement. "On nous parle de solidarité collective nationale, mais en se cantonnant à 645 millions, alors même que l'on aurait pu supprimer des niches fiscales pour réallouer des fonds à notre cause, on est plutôt dans la solidarité collective nationale limitée", tacle Guy Fontaine. Et d'évoquer l'absence totale de la Cnav dans les discours. "C'est pourtant un instrument de prévention, reprend Jean-Laurent Clochard, secrétaire confédéral. Il n'en a pas été question ici alors que ça l'était dans le comité d'avancée en âge." Alors que la convention d'objectif et de gestion entre la Cnav et l'État est actuellement en cours de négociation, "c'est mauvais signe pour son budget prévention".

 

Les établissements, secteur biaisé ?

 

"La concertation est une étape dans un processus de co-construction porté par le dialogue social. Ce n'est pas une manière de ne pas décider, non, c'est le besoin d'abord d'un bon diagnostic. C'est une opportunité d'améliorer les textes, de renforcer les propositions", a martelé Jean-Marc Ayrault. Mais s'il"ne sert à rien de repousser l'heure des choix, ni de contourner les problèmes", pour le premier ministre,on rit jaune dans les fédérations d'établissements.

De fait, en choisissant de s'occuper du secteur dans la deuxième phase d'un projet de loi pluriannuel,* le gouvernement "balaye d'un revers de main 600 000 personnes aux besoins prégnants", estime Didier Sapy. Inquiet de voir le deuxième pan de la loi devenir lettre morte, le directeur de la Fnaqpa poursuit : "l'établissement, c'est pourtant dans le parcours de soins dont on nous a parlé ! On fait le lien avec le domicile, mais pas avec les Ehpad..." Révélateur que les Ehpad ne sont pas un lieu de vie ? "Peut-être, et c'est une grave erreur, une anomalie", conclut Didier Sapy.

 

Agathe Moret

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